MIKHAÏL TUROVSKY
Mikhaïl Turovsky est né le 8 mai 1933 à Kiev, Ukraine (ex URSS). Il est issu d’une famille juive et son père, soldat dans l’armée rouge est tué dans les trois premiers mois de la guerre. Il perd le reste de sa famille lors de l’extermination en masse par les nazis, auxquels il réussi à échapper de justesse.
Quand il revient à Kiev après la guerre en 1945, il se réfugie dans la peinture.
Il est diplômé des Beaux Arts en 1960, mais se voit malgré tout refuser l’entrée à l’Institut des Arts de Kiev et de l’Académie des Arts d’URSS à trois reprises. Finalement, c’est Vladimir Sirov en personne, Président de l’Académie, qui touché par la grandeur de son talent, intercédera en sa faveur.
C’est alors le début du succès en tant que peintre "académique". Il sort le premier de l’Académie des Arts de Moscou. Dés 1962 il est membre de l’Union des Artistes, le groupe le plus prestigieux d’URSS et devient même le peintre officiel de Léonid Brejnev dont il exécutera le portrait. Il travaillera par la suite pour les plus hauts dignitaires soviétiques.
Malgré son statut social privilégié, M.Turovsky est las de ne pouvoir s’exprimer librement. Il souffre de ne pouvoir peindre les sujets qui lui tiennent à cœur : il ne peut assouvir son désir de peindre des nus qui seraient considérés comme " pornographiques" sous un régime qui ne tolère que les représentations dénudées des athlètes et autres danseurs du régime communiste.
Turovsky étouffe dans son art et dans ce milieu politique pour lequel il n’a aucune estime. En 1974, il entre en dissidence avec le régime de Brejnev qui censure ses expositions, car certaines de ses œuvres sont jugées trop subversives. On lui interdit de représenter la tragédie de Babi Yar.
Mickhail Turovsky n’a que faire des honneurs et des privilèges dus à son rang lorsqu’il se voit contraint de s’exiler aux USA en 1979 pour pouvoir être libre. Plus de 300 de ses œuvres sont saisies par le gouvernement soviétique comme Trésor National. Elles seront plus tard exposées dans divers musées russes.
Turovsky rejoint New York d’où il repart à zéro, sans l’aide de quiconque. Dans un studio vétuste du Bronx, il est enfin libre de peindre jour et nuit les sujets qui jadis ne lui étaient pas permis d’aborder.
Obsédé mais libéré de son passé totalitariste, il peut enfin laisser libre court à sa créativité et consacre ainsi ses dix premières années d’exil à la représentation de l’holocauste, une nécessaire contribution à la mémoire de l’humanité. Il peint nuit et jour "à s’en brûler les mains et les yeux" exclusivement pour les musées, comme celui de Yad Vachem en Israël.*
L’année 1987 marque un tournant pour M.Turovsky. Alors qu’il est victime d’une crise cardiaque qui le conduit aux portes de la mort, le New York Times et de nombreux magazines, émus, décident de rendre hommage à l’artiste. Dés lors sa cote monte et il devient un des peintres les plus recherchés du moment.
Exorcisé de ses vieux démons, il se met à peindre des nus de femmes, son sujet préféré dont il dit qu’il "aime cette créature". C’est à cette époque (1988-89) qu’il lance le mouvement pictural de la Figurabstraction, dont il reste le précurseur.
En 1989 il réalise une fresque de 25 mètres sur le mur de la honte à Berlin où il lance un appel à Gorbatchev : "You let me be, now feed me" - "Tu m’as laissé vivre, maintenant nourris moi".
Au début des années 90, M. Turovsky entame une tournée européenne qui le conduira en France, en Suisse, en Espagne et en Belgique. Son exposition de 1991 à Genève lui vaut l’attention de la presse écrite et télévisée. Conséquence de ce battage médiatique, la télévision russe diffusera une interview de l’enfant du pays devant plus de 200 millions de téléspectateurs.
Il saura plus tard qu’il était attendu et invité à Moscou. En février 2001, il est l’invité d’honneur à Kiev, sa ville natale où il reçoit la médaille du mérite.
L’œuvre de MikhailTurovsky est aujourd’hui exposée dans 36 musées dans le monde. Le 26 janvier dernier, les Nations Unies à New York ont honoré son art en exposant sa série de toiles sur l’holocauste à l’occasion de l’"Holocaust Memorial Day". A cette occasion le représentant de l'Ukraine l'a nommé "National Artist of Ukraine", distinction la plus élevée pour un artiste de ce pays.
Maître de la Figurabstraction, surnommé "le génie qui vient de l’Est", ce peintre soviétique qui a quitté son pays voila plus de vingt ans est devenu l’un des plus grands maîtres picturaux de ces dernières années, son nom est désormais indissociable des plus grandes collections privées.